Comment j'ai appris mon diagnostic

Une infirmière de l’hôpital vient me voir dans la chambre : “Mademoiselle est-ce que vous voulez bien me suivre ? Je dois vous parler.” En effet, pour des raisons de secret médical, il ne faut pas parler devant la dame qui partage ma chambre. On va donc me parler… dans le couloir ! La notion de secret médical est quelque chose de fondamental. “Au vu des éléments de votre dossier, nous attendions les résultats de la ponction lombaire pour pouvoir fixer un diagnostic. Et les analyses sont assez claires : on pense que vous avez une sclérose en plaques. Un médecin viendra vous voir dans la journée et vous proposer un traitement adapté. Vous avez des questions ?” Ben j’sais pas… c’est quoi, une sclérose en plaques ? Ça marche comment ? C’est quoi le traitement ? “Je ne suis pas médecin, mais vous pourrez poser toutes ces questions au neurologue quand il viendra vous voir tout à l’heure.” Ah bah c’était bien la peine de me demander si j’avais des questions ! Le médecin sera presque aussi évasif : c’est une maladie auto-immune, c’est les anticorps qui attaquent votre système nerveux central… mais là il n’a pas le temps de trop rentrer dans le détail mais il repassera quand il aura vu tous les patients : je ne l’ai plus revu.

“Vous allez mourir, mais on n’a pas le temps de vous expliquer pourquoi.” Voilà ce qu’on entend quand on ne sait pas ce qu’est une SeP. Aucune connaissance de la maladie, de son fonctionnement, donc aucune idée de la façon dont elle peut évoluer, ni de ce qui peut la faire se développer ou au contraire régresser… Et c’est à partir de cette absence d’information que vous allez devoir informer vos proches, retourner au travail, et continuer à vivre.

A force de passer mes journées à l'hôpital, j'ai échangé avec trop de patients mis à l'écart par leurs amis, leur famille, leur travail. Dans la sclérose en plaques comme dans de nombreuses maladies, être bien dans sa tête, être bien dans sa vie, c'est nécessaire.

Et pour être bien, il faut être intégré, et pour être intégré, il faut être compris. Il est donc essentiel de savoir expliquer la maladie et ses conséquences. Notamment parce que la plupart des symptômes sont cachés, et que si on ne les explique pas : 1- les gens ne peuvent pas le deviner, 2- ils peuvent ne pas nous croire tout de suite, 3- ils ne savent pas comment nous aider.

Et bien évidemment, pour savoir expliquer tout ça, il faut connaître la sclérose en plaques, son fonctionnement, le fonctionnement de notre traitement, les évolutions possibles, etc... Comme ça, on l'explique correctement à l'entourage, on sait répondre aux questions, et on sait anticiper les risques, donc on peut très souvent les contourner !

COMMENT J’AI APPRIS MON DIAGNOSTIC

Ma première poussée identifiée date de juin 2012. Je me lève un samedi matin, après une nuit sur le canapé. Ma jambe gauche est engourdie. “Zut, j’ai du dormir encore n’importe comment…”. Je me sers un thé et je vais sur le PC, et au moment de boire une gorgée, de la main gauche, je renverse : “ah ben oui ! si j’ai dormi sur le côté gauche, fallait m’attendre à ce que j’aie le bras tout aussi endormi !”

Puis dans l’après-midi, ma mère m’appelle pour m’annoncer le décès de mon petit octodon, et quand elle prend de mes nouvelles je me rends compte que ma jambe et mon bras sont en fait toujours aussi engourdis. ALERTE ! “J’ai vu une émission à la télé, faut que t’ailles aux urgences ! Appelle les pompiers !!!”

Bon, il en faut plus que ça pour m’alarmer et aller encombrer les urgences, donc j’opte pour une solution un peu moins extrême : j’appelle les pompiers, oui, mais pour demander l’avis de leur médecin. J’ai moins de 30 ans, je ne fume pas, je ne prends pas la pillule. Son avis : demander celui du médecin du SAMU. J’appelle le SAMU, où le médecin me pose exactement les mêmes questions. J’ai toujours moins de 30 ans, je ne fume toujours pas, je ne prends toujours pas la pillule. Son avis : rappeler les pompiers, pour qu’ils m’amènent aux Urgences (pas la peine d’aller me casser un truc en trébuchant avec ma patte qui obéit pas bien). OK, m’sieur.

Aux Urgences, bien évidemment, priorité est donnée aux gens dont la vie est en danger. Moi je ne me vide pas de mon sang, je n’ai mal nulle part, donc j’attends mon tour, plutôt satisfaite de mon état. Quand vient mon tour : poids, taille, on m’ausculte, et je ronchonne quand on me tord le cou dans tous les sens. “Ah ben voilà ! Vous vous êtes déplacé une vertèbre !”. Loin de moi l’idée de décevoir ce monsieur, mais franchement, j’ai déjà testé, le déplacement de vertèbre, et ça fait pas ça ! “Oui mais vous savez, selon la vertèbre et le déplacement, ça fait pas forcément pareil d’une fois sur l’autre !” Oui mais bon, sans vouloir me la péter, j’ai fait médecine (bon, ok, juste la première année, mais je l’ai quand même faite DEUX fois !!!) et il me semble que pour pincer un nerf responsable de la motricité du membre supérieur, il faut m’être déplacé une vertèbre cervicale, et pour toucher AUSSI son copain du membre inférieur, il faudrait que je me sois AUSSI déplacé une vertèbre lombaire. Le tout sans avoir subi aucun traumatisme : pas de choc, pas de chute, pas de métro qui pile, pas de geste brusque… “Oui mais ça arrive sans qu’on s’en rende compte ! Je vais vous mettre une minerve quelques jours, ça va aller mieux. Et je vous prescris du Doliprane.” Mais j’ai pas mal, quand on me tord pas le cou dans tous les sens, et j’ai dormi sur un canapé !!! “Au moins, si une douleur survient, vous aurez déjà l’ordonnance ! Et si d’ici 5 jours c’est pas passé, allez voir votre généraliste.” Très bien -_-’

Bien évidemment, 5 jours plus tard, aucune amélioration.

Je vais voir le généraliste le plus proche (je n’avais encore jamais été malade depuis mon installation en région parisienne). Un vieux chinois me reçoit, m’ausculte, et me fait faire des tests trop bizarres : il me fait fixer un stylo et le bouge de gauche à droite et de haut en bas, il me fait lever les bras sur les côtés et toucher le bout de mon nez avec le bout des index droit et gauche alternativement, il me fait allonger et tenir mes jambes pliées à 90%...

Sur le moment, j’me dis que c’est sûrement des trucs de charlatan chinois ou qu’il est bien en train de se marrer à me faire faire n’importe quoi (on dirait des gages de jeux d’alcool en soirée, mais faut admettre qu’il sourit pas beaucoup, pour quelqu’un qui s’amuse à faire une blague)... Puis il me propose calmement de retourner dans la salle d’attente parce qu’il m’appelle une ambulance pour m’accompagner directement aux urgences neurologiques de l’hôpital André Mignot à Versailles. Ah bon. Soit.

Sur place, je sais pas si c’est cet hôpital qui est peu fréquenté, si c’est simplement un jour calme, ou si c’est uniquement pour les urgences neuro, mais c’est plutôt silencieux. Quand vient mon tour, une jeune femme souriante et dynamique me fait faire les mêmes tests que mon vieux chinois, m’apprend qu’il s’agit des tests permettant de déceler un dysfonctionnement neurologique. Dans mon cas, ça devrait s’estomper tout seul, mais on va me faire un scanner par précaution. Je passe le scanner. J’attends des heures qu’on revienne avec l’analyse. La jeune femme m’explique qu’on ne voit rien, ce qui colle avec son pronostic optimiste initial : dans 2 semaines je n’aurai plus rien. Mais compte tenu de mon âge, elle me dit avec un clin d’oeil dans la voix (si si !) que “avec les yeux de la foi, on va dire que je vois quelque chose de louche justifiant de vous prescrire une IRM : à votre âge, je ne veux pas passer à côté d’une lésion discrète s’il y a un problème de fond”. Et elle me prend un rdv avec une neurologue de ville qui analysera les résultats de l’IRM.

Le jour du rendez-vous chez la neurologue, j’ai une petite gêne visuelle, qui est apparue. Elle me demande l’historique de mes troubles, je lui réexplique ce que je viens de raconter, elle hoche la tête en prenant des notes, jusqu’au moment où j’en arrive au jour-même, et que j’indique avoir une sorte de voile léger sur un oeil : elle lève d’un coup le regard vers moi, me demande de lui décrire un peu plus précisément, puis si je suis sûre que c’est apparu le jour-même. On passe alors à l’arrière de la salle pour une troisième édition des tests neuro.

Elle me dit qu’elle va me prendre un rdv à l’hôpital dès que possible, pour traiter ces troubles rapidement, et que tout sera réglé dans quelques jours. Et voilà. C’est tout. Enfin... c’est ce qu’elle croyait... parce que j’allais pas me contenter de ça ! Je lui demande à quelle maladie elle pense. “Vous savez, ça peut être de nombreuses causes diverses, on ne peut pas se prononcer sans avoir tous les éléments : à l’hôpital ils vont vous faire des perfusions de corticoïdes pour traiter vos symptômes, puis ils vous feront une ponction lombaire et selon les résultats on en saura plus.” Oui oui, j’attends l’hospitalisation et ces éléments supplémentaires... mais je sais très bien que vous pensez à quelque chose en particulier, parce que vous avez réagi différemment quand j’ai parlé de l’altération de ma vision. “On ne peut pas faire de diagnostic fiable pour l’instant, il faut attendre ces résultats et après analyse on en saura plus.” Ok. Y a deux possibilités : soit vous me dites à quelle maladie vous pensez et vous m’expliquez un peu ce que c’est, soit je vais sur Doctissimo et je trouve 450 maladies atroces qui pourraient avoir un lien avec ces symptômes. “Oh non, surtout ne faites pas ça ! Vous pouvez tomber sur tout et n’importe quoi, ça va juste vous inquiéter pour rien !” On est d’accord. Donc expliquez moi à quoi vous pensez : je ne suis pas de nature inquiète, je n’ai pas particulièrement peur des maladies, je préfère avoir une explication simple pour savoir ce qu’on attend des tests exactement…

Elle m’a alors expliqué que le plus probable était une bonne SEP : j’ai l’âge parfait, je suis une femme, et le voile serait une névrite optique, très souvent un des premiers symptômes en début de maladie. Et ben voilà ! C’était pourtant facile !

J’ai alors demandé quelques explications sur le fonctionnement de la maladie, et j’ai eu des réponses parfaites : suffisamment précises pour satisfaire ma curiosité d’ancienne étudiante en médecine et bien comprendre les mécanismes, et expliqué de façon suffisamment simple pour tout comprendre sans être embrouillée par des termes techniques trop spécifiques.

Je suis rentrée chez moi en connaissant le diagnostic le plus probable. J’ai préparé une valise, et j’ai attendu l’appel de l’hôpital qui ne s’est pas fait attendre puisque j’ai été hospitalisée le soir même. 2 jours de corticoïdes plus tard, je revois normalement. Une infirmière de l’hôpital vient me voir dans la chambre : “Mademoiselle est-ce que vous voulez bien me suivre ? Je dois vous parler.” En effet, pour des raisons de secret médical, il ne faut pas parler devant la dame qui partage ma chambre. On va donc me parler… dans le couloir ! La notion de secret médical est quelque chose de fondamental. “Au vu des éléments de votre dossier, nous attendions les résultats de la ponction lombaire pour pouvoir fixer un diagnostic. Et les analyses sont assez claires : on pense que vous avez une sclérose en plaques. Un médecin viendra vous voir dans la journée et vous proposer un traitement adapté. Vous avez des questions ?” Ben j’sais pas… c’est quoi, une sclérose en plaques ? Ca marche comment ? C’est quoi le traitement ? “Je ne suis pas médecin, vous pourrez poser toutes ces questions au neurologue quand il viendra vous voir tout à l’heure.”

Ah bah c’était bien la peine de me demander si j’avais des questions ! Le médecin sera presque aussi évasif : c’est une maladie auto-immune, c’est les anticorps qui attaquent votre système nerveux central… là il n’a pas le temps de trop rentrer dans le détail mais il repassera quand il aura vu tous les patients : je ne l’ai plus revu.

Heureusement que j’avais eu les explications parfaites de ma neurologue de ville au préalable, parce que j’aurais été infernale si j’avais appris mon diagnostic par la voie classique, comme la plupart des patients qui auront fait un parcours semblable !

“Vous allez mourir, mais on n’a pas le temps de vous expliquer pourquoi.” Voilà ce qu’on entend quand on ne sait pas ce qu’est une SeP. Aucune connaissance de la maladie, de son fonctionnement, donc aucune idée de la façon dont elle peut évoluer, ni de ce qui peut la faire se développer ou au contraire régresser… Et c’est à partir de cette absence d’information que vous allez devoir informer vos proches, retourner au travail, et continuer à vivre.

SEP diagnostic perso

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